Ah, les joies des LBOs !
Les LBO (leverage buy-out) sont un mode de fonctionnement classique des fonds d'investissements, ça consiste à racheter l'entreprise en lui faisant emprunter une grosse somme d'argent.
Admettons que l'entreprise vaille 1 milliard, et soit la propriété d'un groupe d'actionnaire A
. De l'autre côté, un fonds d'investissement F
veut racheter l'entreprise, mais il ne veut pas investir plus de 300 millions d'euros. Il doit donc emprunter 700 millions. Seulement voilà, pour emprunter il faut être capable de rembourser, c’est-à-dire qu'il faut disposer de revenus réguliers pour être capable de payer les «mensualités» du prêt. Or pour plein de fonds d'investissement, le business c'est de faire des plus-values : j'achète une boite en 2000, pour la revendre plus cher en 2010, mais entre-temps je ne gagne pas d'argent donc je ne suis pas capable de payer les mensualités. En plus le fonds d'investissement il aimerait bien que si son plan ne marche pas, il n'ait pas à rembourser le prêt.
Heureusement, il existe une méthode facile pour que ces deux conditions soient réunies : il suffit que ça soit l'entreprise elle-même qui emprunte et rachète les actions aux actionnaires A
! L'entreprise va donc faire un prêt sur 10 ans à une banque pour un montant de 700 millions (à 5% d'intérêt admettons) et devra donc rembourser 90 millions chaque année[1]. Le problème c'est que pour faire ça, elle devra être capable de faire au moins 90 millions de bénéfices tous les ans pendant 10 ans. Généralement, cet objectif de bénéfice pousse l'entreprise à se réorganiser et à faire en sorte de réduire drastiquement ses coûts. En pratique ça pousse aussi l'entreprise à geler ses investissements long-terme.
Si tout se passe bien, le fond revend l'entreprise pour 1 milliard et a empoché une belle plus-value de 700 millions d'euros. L'entreprise peut même avoir perdu de la valeur entre l'achat et la revente sans que le fond ne réalise une mauvaise opération : si l'entreprise a régressé et ne vaut plus que 700 millions d'euros suite au manque chronique d'investissements, le fond fait quand même 400 millions d'euros de plus-value.
Si ça ne se passe pas bien et que les bénéfices ne suivent pas, soit parce que les objectifs du fond étaient trop ambitieux, soit par exemple parce que les baisses de coûts se sont faites au détriment de la qualité, l'entreprise est incapable de rembourser ses dettes comme dans le cas de Toys ‘R’ Us, la boite fait faillite.
Les LBO sont une des bonnes illustrations du capitalisme moderne et des dégâts qu'il provoque.
[1] montant des annuités a
pour un prêt d'un capital C
à un taux t
pendant une durée d
: a= C*t(1+t)^d/((1+t)^d-1)
source + calculs.