Un niveau de foutage de gueule assez épatant en vérité.
Quand le mouvement des gilets jaunes s'avance comme un mouvement anti-néolibéralisme et anti-mondialisation [1], qui arrive en France après que le même type de mouvement a frappé le Royaume-Uni (Brexit) et les États-Unis (Trump) avant nous, et voilà que ce cher sénateur vient nous expliquer que la source du mal c'est de ne pas avoir «réformé» plus tôt et que la solution c'est de le faire au plus vite.
Ça fait pourtant 35 ans, depuis 1983 pour être précis, que ce sabotage en règle que tous les «pragmatiques» appellent «réformes» est à l'œuvre sans interruption dans notre pays. Avec la dérégulation des marchés financiers et la libre circulation des capitaux dans les années 80, avec les privatisations du service public (Poste, Télécom, Électricité, gaz, banques, autoroutes), et des grands projets industriels (rail, nucléaire, armement), avec l'abolition des droits de douanes censées apporter la prospérité à tous [2], avec le renoncement à l'action politique[3], en ayant fait de l'Europe un gloubi-boulga ingouvernable, présidés en 2018 par un improbable triplet Estonie−Bulgarie−Autriche.
Trente-cinq ans que l'industrie Française se meurt, entre délocalisation et démantèlement des groupes industriels, laissant sur le carreau des millions de chômeurs. Et en même temps, ça fait 35 ans qu'on creuse artificiellement la dépense publique, avec des politiques fiscales ineptes et un impôt de moins en moins redistributif. Ah oui on parle de dépense publique et de fiscalité trop forte, quand il s'agit de donner les moyens à la justice où à l'éducation nationale, mais curieusement beaucoup moins quand il s'agit de distribuer des milliards par-ci directement aux particuliers les plus fortunés (bouclier fiscal hier, flat-tax aujourd'hui) et des dizaines de milliards (CIR et CICE) aux actionnaires des entreprises.
J'aimerais aussi revenir sur un passage du discours :
Pour les mêmes raisons que dans une démocratie il est préférable de mettre des bulletins dans des urnes que des pierres dans les vitrines.
Alors ça, je suis mais alors 100% d'accord, et la grande majorité des gilets jaunes aussi, mais c'est justement là le sens de l'appel populaire à la démission du président de la république [4] ou l'appel à une dissolution de l'assemblée nationale [5] : pour avoir une urne dans laquelle mettre son bulletin, plutôt que de devoir passer le temps pendant 3 ans en jonglant avec des pavés.
[1] on le voit dans les panels revendication qui émergent de manière plus ou moins anarchiques: opposition à la privatisation des services publics, à la concurrence internationale et aux délocalisations mais aussi à l'ouverture sur le monde et à la libre circulation des personnes.
[2] et merveilleux points de croissances du PIB qu'on nous promet à chaque signature d'un traité de libre-échange
[3] «ça on ne peut pas faire, c'est au niveau européen que ça se joue», tant pis s'il n'y a pas de gouvernement Européen, comme ça on peut juste dire qu'on ne peut rien faire.
[4] que je ne souhaite pas, la Vème République n'étant pas conçue pour fonctionner sans président de la République.
[5] que j'appelle de mes vœux, une cohabitation nous garantissant contre les dérives populistes qui menaces normalement dans ces situations.