Cet article commence mal:
le pamphlet de Plenel n'est ni un livre de journaliste, ni un essai de sociologue, mais une intervention de militant.
Pierre Bourdieu, le plus influent sociologue Français du XXème siècle affirmait que le sociologue est par essence un militant (c'est l'un des premiers chapitres de son livre Questions de sociologie.
[…] les singularités du mouvement des «gilets jaunes». La première d'entre elles est le refus farouche de désigner des représentants. Curieux mouvement démocratique que celui qui rejette le principe même de la représentation, sans lequel il n'y a pas d'auto-organisation possible. Sans représentants élus, mandatés, contrôlés, la place est nette pour des chefaillons non élus, incontrôlés, n'ayant de compte à rendre à personne. Il n'existe pas de démocratie sans représentation.
Ou peut-être est-ce là justement la preuve d'une grande maturité démocratique, de reconnaître que tous les représentants sont des despotes en puissance ? Et que la démocratie représentative dans laquelle nous vivons n'est qu'une parodie de démocratie ? La Vème république est là pour nous rappeler que ce sont bien les élections qui laissent place nette à des «chefaillons incontrôlés, n'ayant de compte à rendre à personne» (coucou Manu oui c'est bien de toi que je parle).
Même la démocratie directe la plus radicale, celle des conseils d'ouvriers, de paysans, et de soldats de la révolution russe, était fondée sur l'élection de délégués, à tous les niveaux: depuis l'atelier et le quartier… jusqu'au conseil central des conseils –le Soviet suprême de 1917–, désignant le gouvernement. Le fait que ces délégués étaient révocables à tout moment, ce qui a rendu –soit dit en passant– cette démocratie directe impraticable et éphémère, n'empêche pas qu'ils étaient élus et ré-élus.
S'il y avait des représentants élus, par définition ce n'est pas une démocratie directe … Le mec a du mal quand même … Pour des exemples de démocratie directe radicales, on peut prendre la révolution ouvrière en Espagne en réaction au coup d'État de Franco. (Une bonne référence sur ce sujet: Hommage à la Catalogne de George Orwell, qui a vécu la deuxième moitié des événements).
En réalité, les «gilets jaunes» ont des leaders de fait les principaux s'appellent Éric Drouet, Maxime Nicolle, Étienne Chouard, Priscillia Ludosky
La démocratie Athénienne, exemple fondateur de la démocratie directe avait aussi des personnes influentes, mais ils n'étaient pas des représentants et leur parole n'avait aucune autre valeur que d'essayer de convaincre les autres citoyens (Là où la parole d'un représentant supplante celle de tous les électeurs). Qui plus est, les hommes influents pouvaient être expulsés d'Athène si les citoyens s'en agaçaient (c'est «l'ostracisme»). C'est un peu ce qui est arrivé à Ingrid Levavasseur, lorsqu'elle a monté sa liste gilet jaune. Toute l'influence dont elle disposait jusque-là s'est évaporé, et elle s'est retrouvée expulsée du mouvement.
L'enquête de Jerôme Fourquet et de Rudy Reichstadt sur le complotisme atteste que la croyance des «gilets jaunes» aux thématiques conspirationnistes est nettement plus élevée que la moyenne
Oh misère … Tu parles d'une «enquête», ce sondage complètement biaisé qui n'est là que pour faire de la pub aux personnes qui l'organise. J'ai déjà cité ici et ici des articles qui démontent cette pseudo-enquête bidonnée. Quiconque cite cette «enquête» fait la démonstration qu'il n'a aucun esprit critique. (En même temps l'auteur est un ancien sénateur du Parti Socialiste, c'est déjà une preuve en soit d'une absence d'esprit critique … \troll)
Unilatéralisme qu'on retrouve symétriquement chez Marine Le Pen, qui voit au contraire dans les «gilets jaunes» ces «oubliés de la République» dont le Rassemblement national défend les interêts et exprime les aspirations depuis trente ans.
Ça fait mal de le dire, mais Marine Le Pen a raison. Depuis 1983 et le virage néolibéral du parti socialiste, et encore plus après la chute du mur qui a vu le parti communiste partir complètement en sucette, les partis de gauche ont complètement négligé les classes populaires et ses aspirations.
Le présidentialisme français, ce qu'Edwy Plenel appelle «notre monarchie élective», est selon lui la cause principale de tous nos maux. […] Au demeurant, il ne semble pas que les démocraties parlementaires se portent beaucoup mieux que la nôtre: Voyez la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Espagne… La crise des démocraties occidentales a malheureusement des causes beaucoup plus variées et profondes que la nature de leur Constitution, même si en France celle-ci mérite d'être substantiellement réformée.
Les démocraties représentatives libérales sont haïes partout, justement parce qu'elles ne sont pas démocratiques, parce que les représentants cessent dès qu'ils sont élus d'appliquer le souhait de leurs électeurs. Et dieu merci en France la population se bat pour le remplacer par un régime plus démocratique, là où tant de pays mettent au pouvoir des dirigeants prônant l'ordre et l'autorité du chef (Turquie et Hongrie par exemple pour rester en Europe[1]).
[1] Et oui, la Turquie n'est pas uniquement en Anatolie (qui est en Asie), mais possède également 3% de son territoire (et 10% de sa population) en Thrace orientale, qui est sur le continent européen ;).