inversion de la pyramide de la transmission
Sauf que les adolescents ne sont plus les seuls à pratiquer la chose : les adultes s’y mettent, jusque dans le monde politique, donc. Nouvelle illustration de l’inversion de la pyramide de la transmission, si spécifique à l’ère numérique : ce ne sont plus les adolescents qui reproduisent les pratiques des adultes, mais les adultes, celles des adolescents ! Il y a avait le rite de passage à la vie d’adulte ; il y a désormais des rites de régression adolescente. De « Tu seras un homme, mon fils » nous passons à « tu seras toujours un grand ado, mon papounet… ». C’est ainsi qu’on se sent rester jeune.
Que l’on se comprenne bien : l’illégalité mais aussi l’immoralité est flagrante de publier, au vu et au su potentiel de tous, une vidéo intime d’une personne sans son accord. Elle doit être sanctionnée, et même lourdement. Nous ne sommes pas en train de défendre le couple, ce « performer » russe et sa compagne, fortement soupçonnés d’en être les auteurs, lui l’ayant d’ailleurs revendiqué.
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Nous discutons plutôt des pertinences des réactions. De ces réactions politiques et médiatiques presque unanimes, au moins au début, qui ont vu la démocratie menacée par cette affaire, comme si quiconque était désormais à la merci de telles publications, qu’il soit politique ou quidam, journaliste ou cadre dirigeant. Ce n’est pas du tout le cas : il faut que la victime ait joué un rôle très actif, en prenant ses risques – qu’on peut qualifier d’insensés pour un ministre. On a aussi beaucoup dénoncé les réseaux sociaux (en particulier sur les réseaux sociaux !), jusqu’à réclamer la fermeture de Twitter, comme en Chine ou en Iran ! Pourtant, si un coupable technologique devait être désigné, ce serait ici d’abord le Smartphone. On a aussi critiqué avec force l’anonymat numérique, qui en l’occurrence ne joue aucun rôle dans l’affaire, les comptes Twitter les plus importants ayant relayé les fameuses vidéos, ne l’étant pas du tout ! On a même reparlé fake news, alors qu’aucune manipulation, comme le truquage d’une vidéo par exemple, n’est avéré. Et bien sûr, le spectre du puritanisme a été à nouveau agité – on n’a pourtant entendu personne remettre en cause le droit inaliénable de l’être humain à se masturber, notamment l’esprit.