« L’État détient le monopole de la violence légitime ». Il s’ensuit 1) que toute autre violence est illégitime et 2) que la violence d’État n’est jamais illégitime — puisqu’elle est légitime. On en est là de la « réflexion »… Alors il ne peut pas y avoir de « violence policière », puisque la police est l’État et que la violence d’État est légitime. Voilà le fond de casserole incrusté, qui sert de pensée à ces individus.
Car la croyance collective est en train de se déplacer. Y compris dans ses composantes les plus inertes, les plus rivées à l’ordre, les moins capables de révision : les médias mainstream. Le Monde, l’organe directeur des consciences de la bourgeoisie poseuse, avait commencé depuis cet été à travailler sérieusement sur des cas de violences policières — fort bien au demeurant. Avec une sage lenteur, l’éditorial fait accéder ces articles au stade de la généralité. Il aura tout de même fallu une année entière pour que le-journal-de-référence finisse par tomber les peaux de saucisson, et se montre à la hauteur de son « devoir d’informer » — un an ! Et ceci en n’étant toujours pas capable d’articuler la conclusion politique qui s’ensuit pourtant : en France, le droit politique fondamental en quoi consiste de manifester dans la sûreté a été détruit. En France, il n’est plus possible de manifester sans mettre en péril son intégrité physique, et même jusqu’à sa vie ! On attend toujours qu’un grand média soit capable de dire cet état de fait accablant, qui ramène le gargarisme démocratique des « élites » à une bouffonnerie, et la prétention d’incarner « le libéralisme » contre « l’illibéralisme » des Orban & co à un motif d’hilarité.
Terrorisme extérieur, terrorisme intérieur…
C’est qu’à un moment, il faut bien prendre les mots au sérieux, et les décoller de leurs usages habituels où les pouvoirs aiment les enfermer. « Sont interdits les actes ou les menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi les populations civiles », indiquent à propos du terrorisme les protocoles additionnels de la Convention de Genève. On cherche ce qui dans l’entreprise systématique menée à grande échelle par la police et le gouvernement, entreprise d’intimidation, d’effroi et de découragement par la menace physique de l’exercice normal des droits politiques fondamentaux ne tombe pas sous cette définition. Et pour tout dire, on ne trouve pas. Qui sont les radicalisés ? Qui sont les criminels ? Qui sont ceux qui terrorisent ?
Et qui est légitime ?