Après certains s'étonne de la défiance envers les autorités et les vaccins …
Un discussion intéressante du point de vue de la communication sur internet.
Je retranscris ici une discussion que j'ai eu sur facebook avec un pote de pote à propos de cet article. Non pas parce que ce débat est spécialement intéressant, mais j'ai passé suffisamment de temps à écrire mes arguments pour avoir envie de les conserver :p. (Et oui, je craque un peu sur la fin …) :
Lui : j'ai lu cet article. Je n'y ai pas trouvé énormément de fond, mais voici quelques remarques.
1- Les thèses qui créent deux camps (ici les gagnants et les autres), et qui discréditent d'emblée l'un de deux, m'insupportent. En effet, si je m'érige contre la thèse de l'auteur (quelle est-elle au juste, d'ailleurs ?), je défends une "organisation sociale inégalitaire dont [je] bénéficie". Impossible donc d'argumenter, puisque je suis bénéficiaire d'un système et que je cherche à le perpétuer. On est pas très loin des thèses complotistes : si le médecin promeut la vaccination, c'est parce qu'il en bénéficie (il est corrompu par Pfizer), impossible qu'il soit sincère.
2- Il faudrait définir le mérite avant d'en parler. Qui est méritant ? Uniquement les fils d'employés et d'ouvriers ? C'est impossible d'être méritant quand on est fils de médecin ou d'ingénieur ? Drôle de vision. D'ailleurs, le fils d'ouvrier qui réussit n'a aucun mérite, s'il réussit c'est parce que ses parents l'ont aimé, et peut-être qu'il a eu un peu de chance (avec une intelligence innée importante).
3- Les cas de Sciences Po et de l'ENA sont un peu particuliers, et je conviens volontiers qu'il faut certains codes sociaux pour les intégrer et s'y acclimater. Ces codes sociaux sont plus compliqués à acquérir quand on vient de Chauvoncourt, dans la Meuse, comme moi, que quand on vient de Versailles. Cependant, cette discrimination, si l'on peut dire, s'estompe davantage quand on parle de sciences et d'écoles scientifiques.
4- Clairement les exemples de trajectoires descendantes, comme il est dit dans l'article, sont également légion. Preuve s'il en fallait que les dés ne sont pas complètement pipés d'entrée de jeu.
Moi : «Il faudrait définir le mérite avant d'en parler. Qui est méritant ? Uniquement les fils d'employés et d'ouvriers ? C'est impossible d'être méritant quand on est fils de médecin ou d'ingénieur ?»
C'est exactement le contraire qui est dit dans l'article ! L'auteur se plaint du fait que derrière la méritocratie affichée (ceux qui sont au sommet le sont parce qu'ils ont réussit leurs études, c'est bien qu'ils le méritent) se cache en fait la reproduction sociale. En résumé ce qu'il dénonce avant tout c'est l'emploi de ce mot qui ne sert qu'à légitimer la position de la classe dominante.
Quant à l'idée que les matières scientifiques sont moins discriminantes socialement, c'est un mythe qui est depuis longtemps largement démonté par les études sociologiques. (Le mécanisme est moins intuitif que pour la culture générale, mais ça se comprend au moins en partie grâce au concept de «conflit de loyauté»)
Lui : je ne nie pas l'existence d'une discrimination sociale pour les disciplines scientifiques, je dis simplement qu'elle me semble moins importante. Si je prends ce tableau (https://www.inegalites.fr/Des-classes-preparatoires-et-des-grandes-ecoles-toujours-aussi-fermees), j'ai à la fois raison et tort :
- il y a en effet plus de fils d'ouvriers et d'employés en écoles d'ingénieur qu'à l'ENA ;
- il y a cependant plus de fils d'ouvriers et d'employés à l'ENA qu'à l'Ecole Polytechnique.
En réalité, comme il n'y a pas d'écoles littéraires, qui seraient comparables aux écoles d'ingénieur, c'est difficile de comparer (un point, qu'il s'agisse de l'ENA ou de l'X, ne représente pas suffisamment de données).
De quelles études sociologiques parles-tu ?
Lui : Par ailleurs, je maintiens que la définition du mérite manque.
Ce n'est pas parce qu'on est issu de la "classe dominante" qu'on réussit nécessairement, loin s'en faut. Dit autrement, la reproduction sociale, fait global, ne redescend pas mécaniquement sur l'individu, au niveau individuel. Ce dernier doit fournir beaucoup d'efforts pour intégrer, par exemple, une école telle que l’École normale supérieure.Alors certes ici on décrit des faits sociologiques globaux, pas des trajectoires particulières mais il me semble essentiel d'éviter de refuser le qualificatif de méritant à un fils de cadre supérieur, par exemple.
Moi : Celle sur l'X justement avait fait un peu de bruit il y a quelques temps https://la-sphinx.fr/les-concours-ne-sont-pas-neutres/
(attention, l'idée n'est pas de faire une comparaison précise du «facteur de discrimination» de telle ou telle matière, juste de reconnaître que les matières scientifiques sont globalement à peu près autant source de discrimination par rapport au milieu social que les matières littéraires, contrairement à la légende urbaine sur neutralité des mathématiques)
Lui : Je conçois tout à fait cette discrimination sociale, que je ne nie nullement. Je dis simplement qu'à mon humble avis, elle est moindre - tout en étant importante, je me répète - que dans les matières littéraires. C'est une étude sociologique sur cet aspect des choses qui m'intéresserait - quitte à ce qu'elle n'aille pas dans mon sens :)
Moi : «Par ailleurs, je maintiens que la définition du mérite manque.»
En quoi est-ce une surprise qu'elle ne figure pas dans un article dont la thèse c'est justement de dire «le concept de “mérite” c'est du bullshit» ?
«mais il me semble essentiel d'éviter de refuser le qualificatif de méritant à un fils de cadre supérieur, par exemple.»
C'est un retournement de l'argumentation de l'auteur ça ! L'idée de l'article, ce n'est pas de dire «un fils de cadre sup' n'est pas méritant», il ne dit absolument pas ça ! Ce qu'il dit c'est «Arrête de la ramener avec ton “mérite”, qu'est-ce qui te permet de croire que tu es plus méritant qu'un autre ?».
Lui : Je pense que, quand on écrit un article sur la méritocratie, la moindre des choses c'est de définir ce dont on parle. Je ne reçois pas non plus ton argument : pour dire que le concept de "x" c'est du bullshit, encore faut-il définir "x".
Si l'auteur dit "Arrête de la ramener avec ton mérite", ça veut bien dire qu'il nie le caractère méritant du parcours du fils de cadre supérieur. Ensuite, on ne pourra pas répondre à la question "qu'est-ce qui te permet de croire que tu es plus méritant qu'un autre ?" puisqu'on ne sait pas la définition du mérite. Par exemple, il est peut-être plus méritant qu'un autre parce qu'il a passé ses week-ends à réviser ses équations différentielles et son algèbre linéaire, alors que ses potes partaient pêcher.
Moi : rhaaa t'est un troll russe c'est ça ? c'est pas possible autrement …
Lui : Même pas mais on tourne en boucle. C'est quoi ta thèse ? Tu es d'accord avec l'auteur, donc il n'y a pas de mérite ? Comment tu le définis, toi, le mérite ?
Moi : Définition implicitement donnée par l'auteur «le “mérite”, c'est quelque chose dont se prévalent ceux qui se trouvent dans une position dominante».
La discussion ne porte absolument pas sur le fait de savoir s'il existe des gens qui sont plus ou moins «méritants» que d'autres ou de chercher à définir des critères de mérititude. Il s'agit juste de constater que le mot «mérite» est employé comme alibi social pour justifier sa position de domination.
Lui : Bon, si c'est cela, je passe à autre chose. Ça renvoie totalement au 1- de mon premier commentaire.
Puisque je défends au contraire l'existence d'un mérite, je ne peux pas discuter avec l'auteur, ni avec toi - puisque je comprends que tu es en phase avec lui.
Moi : Sauf qu'à aucun moment l'article ne pose la question de savoir s'il existe (la réponse est évidemment oui, et c'est tellement trivial que je ne suis pas convaincu que ça mérite d'être «défendu» …).
L'article dit juste: le MOT “mérite” est aujourd'hui employé comme instrument de domination, et de justification des inégalités sociales. «Je gagne deux fois plus que toi, non mais tu comprends c'est parce que je le mérite» en feignant de ne pas voir que les dés sont pipés dès le départ, et que contrairement à ce que ce discours (et le mot même de «méritocratie») sous-entend, la richesse et le statut social des individus n'est pas du tout une fonction des «efforts fournis». (#doubleNégation)
En t'accrochant, par un réflexe défensif, à chercher une «définition du mérite» (au sens «effort») tu passes complètement à côté du texte (qui parle de «mérite» comme mot employé dans un certain discours à portée politique) …
Très honnêtement ça me fait un peu penser aux mecs qui réagissaient à #balancetonporc en disant «non mais y'a aussi des mecs adorables d'abord !». Ok, mais c'est juste pas le sujet en fait …
Sur ce, bon après-midi.
Si le livre de Pitron a été par exemple célébré par Le "Fig Mag", trop heureux de voir dévoilée ""la face cachée du nouveau monde uberisé et écolo-friendly"
Ahah, c'est tellement le Figaro ça xD.
Ce passage là est super intéressant :
Pour que nous soyons réceptifs aux mauvaises nouvelles, par exemple au changement climatique ou aux menaces sur la biodiversité, les porteurs de ces mauvaises nouvelles doivent nous fournir aussi des solutions clés en mains, des manières d'éviter l'apocalypse
Un article super intéressant sur la place du discours scientifique dans la société, dans le cas des sciences sociales.
Il y a aussi une analyse de communication politique assez fascinante dans une sous-partie en milieu d'article. (《Étude E》)
Ils sont indéniablement bons en comm', mais du coup c'est assez marrant de voir la différence entre les annonces publiques dans ce genre et le point de vue des insiders …
Par contre le texte est illisible sur le site, heureusement que Firefox a un «mode de lecture» …
Par Pierre-Louis Theron. CEO de StreamRoot.