Ce type est absolument magique: il se lance toujours dans des raisonnements compliqués mais qui sont (presque) toujours grossièrement bêtes.
Ici il écrit un article de 6 pages, avec une simulation numérique, mais qui s'appuie sur une grossière erreur de logique (en plus d'être plein de préjugés libéraux). L'erreur de raisonnement est la suivante :
In other words, inequalities and a right-skewed distribution of wealth is just a natural consequence of the fact that people may do what they want with their money. You don’t need any kind of bias or unfairness to obtain that result. So Mr. Piketty is probably wrong: we’re not living in a world of dynastic, inherited fortunes and there is no justice in penalizing the successful.
En gros, avec sa simulation il obtient le résultat suivant: «il n'y a pas besoin que les riches soient des héritiers pour qu'il y ait des inégalités» et il en conclut «donc les riches ne sont pas des héritiers». C'est quand même magique: à quand le prochain article «il y a des gens qui ont un cancer du poumon sans jamais avoir fumé, c'est bien la preuve que fumer ne donne pas le cancer du poumon». >_<
Ça fait 3 jours que j'ai vu passer ce thread, et je ne m'en suis toujours pas remis.
Un post idiot sur Twitter en parlant d'économie, y'en a plein, et notamment sur le fil twitter de @ordrespontane (rien que le nom, référence à Friedrich Hayek est un indice sur l'orientation politique de ce monsieur). Mais là c'est particulier: ce n'est pas juste malhonnêtement orienté, c'est juste complètement faux et ça montre que l'auteur n'a aucune idée de ce dont il parle. Et c'est quand même assez emmerdant, parce que ce monsieur est prof de finance (bon OK c'est dans une école de commerce privée médiocre mais quand même !).
Reprenons le premier tweet:
51% de la base monétaire du dollar US est constitué des réserves que les banques détiennent à la Fed (1.7 trillions)
Première énorme erreur, qui entraîne en fait toute la suite: une traduction complètement erronée du mot anglais “reserve”. Dans ce contexte (on parle de monnaie), le mot “reserve” ne se traduit pas du tout par «réserve» (une quantité que l'on garde en prévision) mais par «monnaie centrale». Ça n'a rien à voir, et le nom “reserve” vient du nom de la banque centrale américaine “Federal reserve”. C'est une erreur grossière et hallucinante, c'est quasiment comme si un Américain traduisait «Euro» par «championnat Européen de football».
Et du coup, la conclusion est complètement fausse :
Donc, des banques européennes ont stocké des quantités phénoménales de dollars dans leurs filiales US et placent ça sous forme de réserves excédentaires auprès de la Fed.
Ce qui s'est vraiment passé, c'est que la Fed (la banque centrale américaine) a mené à la suite trois de ce qui s'appelle des programmes de rachat d'actif (aussi appelés “Quantitative Easing“)[1], le dernier ayant duré jusqu'à fin 2014 pour un montant total de 1600 milliards de dollar. Et c'est ça qu'on voit sur la courbe qui monte en trois phases puis redescend[2] progressivement sur la fin (à partir de 2015 donc). Les filiales américaines de banques européennes sont logiquement aussi incluses dans les programmes, et à ce titre elles ont elles aussi cédé des titres de créances en échange de monnaie centrale américaine.
Il y a plein de choses à dire sur le “Quantitative Easing“ et sur l'ensemble des politiques économiques qui ont été mises en œuvre au niveau mondial après la crise, notamment sur le fait qu'elles n'en tirent pas du tout les leçons ou encore qu'elles ont essentiellement contribué à accentuer un phénomène de concentration des richesses qui était déjà à l'œuvre depuis plusieurs décennies. Mais raconter des âneries pareilles en faisant croire que les banques stockent auprès de la Fed l'argent qu'on leur a donné au titre des plans de sauvetage, ou pire, ce qu'il dit dans son dernier tweet quand il parle d'“Euro carry trade”, que les banques européennes empruntent à 0% en Euro pour ensuite stocker cet argent à la Fed, c'est juste atterrant !
[1] C'est quoi un programme de rachat d'actif ? C'est une manœuvre d'une banque centrale (toujours à l'œuvre en zone Euro par ailleurs) qui consiste à échanger des actifs peu liquides[3] (essentiellement des titres de dettes, notamment des crédits immobiliers) contre de la monnaie de banque centrale (qui est, par définition, infiniment liquide) pour augmenter la liquidité des banques et les inciter à prêter. Pour rappel, à la suite la faillite de Lehman Brothers en 2008, le monde a connu une crise économique causé justement par la crainte des banques de prêter de l'argent[4], de peur de se retrouver sans liquidité (entraînant la faillite instantanée). En injectant des liquidités, la banque centrale, garantie donc aux banques qu'elles ne feront pas faillite par manque de liquidité quoi qu'il arrive, et les encourage donc à continuer à prêter (permettant au monde financier de reprendre ces affaires comme avant, mais ceci est une autre histoire).
[2] La redescente est liée au fait que les crédits sont progressivement remboursés, ce qui réduit la taille du bilan de la Fed.
[3] Un actif est dit «liquide» s'il est facile et rapide à échanger contre un autre. Par exemple, l'«argent liquide» est justement très liquide, vous pouvez très facilement acheter tout ce que vous voulez avec. Une maison par contre, c'est un actif peu liquide, ça met du temps à se vendre. Idem pour une action, qui peut être difficile à écouler à son véritable prix dans certain cas (c'est pour ça qu'il arrive que des entreprises aient une valorisation boursière plus faible que la valeur de son immobilier, parce que les détenteurs d'action ont besoin de liquidité tout de suite, et qu'ils sont prêts à vendre bien en dessous de sa valeur). Dans la majorité des cas la liquidité d'un actif dépend énormément de l'état du marché, et des actifs autrefois très liquide peuvent se retrouver illiquide si la situation dérape. Et c'est justement contre ce genre de situation que les plans de rachats d'actifs interviennent.
[4] Lorsque les banques ne prêtent plus, il se produit alors un phénomène dit de “de−leveraging” : la quantité de monnaie disponible dans l'économie diminue[5], ce qui provoque une crise économique.
[5] Pour rappel, dans nos économies modernes ce sont les crédits bancaires qui assurent la création monétaire, c'est plus ou moins le cas depuis la naissance du capitalisme a la renaissance (c'est d'ailleurs un des éléments constitutifs du capitalisme) et c'est le seul moyen utilisé en pratique dans les pays occidentaux depuis plusieurs décennies.
Dans la même lignée que le tweet de @ordrespontane, les mecs on leur dit «euh les gars ça serait peut-être pas mal de revenir dans les années 60 ou 70 niveau consommation de ressources» et ils te répondent «au XVIIIème y'avait la famine».
Ah ce fameux Guillaume, toujours là pour dire une connerie pour faire marrer l'assistance. (Bon ce qui est triste pour lui c'est qu'il y croit).
On récapitule ce qui s'est passé en 300 ans, à part avoir découvert le pétrole, et qui semble lui avoir échappé :
Pour rappel, en 1965 on consommais 2 fois mois d'énergie par habitant qu'en 2003 (source), si je dis à mes parents qu'ils vivaient avec «les mêmes modes de production qu'à la fin du XVIIIème siècle» quand ils étaient petits, ils me regarderaient bizarrement …
Guillaume Nicoulaud @ordrespontane, sur [Twitter]()
Message de service : votre vrai salaire, c’est ce que votre employeur débourse pour vous employer : le brut + les « charges patronales ».
Le reste, c’est de la (mauvaise) littérature.
Erreur classique qu'on retrouve très souvent dans le raisonnement libéral, parce qu'il est simpliste (raisonnement à l'équilibre) et qu'il néglige un gros détail : l'aspect contractuel de la relation salariale et le fait que le niveau des cotisations évolue au fil du temps.
Vous et votre employeur avez signé un contrat de travail en échange d'une rémunération (le «salaire brut»). Ce montant est fixe jusqu'à ce que le contrat soit amendé (augmentation par exemple), mais ne dépend pas du niveau des cotisations sociales fixé par l'État. Or celle-ci sont susceptibles de changer (et en pratique elle le font) : si l'état décide d'augmenter les «charges patronales», votre revenu le mois prochain ne va pas changer, par contre, vous allez payer plus cher à votre patron. Si l'État décide de faire pareil avec les «charges salariales» c'est l'inverse, votre patron ne verra pas la différence, mais vous allez tirer la tronche en fin de mois.
Alors oui, si on considère un monde avec un marché du travail infiniment liquide, ou que vous vous projetez dans un «long terme» imaginaire, ça revient au même. Mais dans le monde réel, il y a une vraie différence
🙃.
Quelques semaines après que Stanislav Petrov ait évité de déclencher une guerre nucléaire, des exercices de l'OTAN ont faillit en provoquer une !
via https://twitter.com/ordrespontane/status/979969078491275264
Ce mythe, créé et entretenu par ceux-là même qui, il y a encore quelques mois chantaient les louanges de Fidel Castro et vantaient les succès de la « révolution bolivarienne » au Venezuela, n’a pas d’autre but que d’instiller l’idée selon laquelle « le libéralisme s’accommode d’une dictature ». C’est un contresens grossier, la raison pour laquelle les descendants des admirateurs béats de Staline, Pol Pot et autres Mao Zedong se sentent obligés de parler de « néolibéralisme » [9] : comment, sans ça, faire croire que le Libéralisme, courant intellectuel qui se définit par opposition à toute forme d’autoritarisme, puisse porter en lui le germe de ce qu’il combat depuis toujours ?
Après un article entier montrant que oui, le libéralisme économique s'accommode bien de la dictature, un petit paragraphe pour essayer de faire passer le message inverse «mais non, bien sur ce sont les socialistes les dictateurs».
courant intellectuel qui se définit par opposition à toute forme d’autoritarisme
Sauf celui du patron sur ces employés bien-sûr, parce que c'est sa liberté n'est-ce pas ? ;)
L'article historique est intéressant, c'est juste assez triste de voir l'aveuglement de l'auteur.
Edit: Dans cet article là l'auteur fait comme si la crise économique ayant suivi l'élection d'Allende était lié à la défaillance naturelle d'un régime socialiste
«La « voie chilienne vers le socialisme » a prouvé qu’elle n’était en rien différente des autres tentatives menées jusque-là à ceci près que ses effets se sont fait sentir très rapidement. De 1971 à 1973, le PIB réel se contracte de 5.6% par an, l’inflation, déjà élevée avant Allende, explose et anéantit le pouvoir d’achat des chiliens, les déficits publics s’accumulent, les réserves de change fondent à vue d’œil, les exportations — notamment de cuivre [2] — s’effondrent et les pénuries de biens de base se multiplient.
En faisant complètement l'impasse sur la déstabilisation délibérée de l'économie chilienne par les États-Unis et la bourgeoisie chilienne, dans le but de créer une situation propice au coup d'État (financement de grève patronale des sociétés de transport routier par les USA, manipulation du cours du cuivre sur les marchés internationaux, blocus sur la livraison de pièces industrielles, attentats organisé par une milice d'extrême droite financée par les États-Unis, etc.).
Et à la fin, il se félicite presque du coup d'État contre Allende sous prétexte qu'il a
de bonnes raisons de penser que ça n’aurait pas été très différent, en termes de libertés civiles et de démocratie, du régime de Pinochet.
Les bonnes raisons étant … l'inébranlable foi libérale de l'auteur et sa haine viscérale du socialisme.
L'histoire de la naissance de la banque de France. Pas surprenant vu l'auteur, un libéral notoire, le texte fait ressentir une certaine nostalgie à l'évocation de la période qui précéda la création de la banque de France, comme ici :
Dans le Paris de l’époque, il n’y a donc pas une banque centrale mais plusieurs instituts d’émission privés qui émettent leurs propres billets, escomptent des effets de commerce et parviennent, malgré l’instabilité politique et grâce à l’extrême prudence de leurs gestions, à se développer sans qu’aucune crise majeure ne soit à déplorer.
Ou encore ici :
la loi du 24 germinal an XI (14 avril 1803) va mettre fin à l’unique expérience de banque libre qu’ai connu la France
(C'est moi qui accentue le mot «libre»)
En dépit de l'amour des libéraux pour l'idée de banque privée complètement libres et l'absence de Banque Centrale, la deuxième moitié du XIXème siècle aux États Unis avec ces crises financières à répétition, et finalement la crise financière de 1907 ont fini par convaincre tout le monde de la nécessité de l'existence d'une banque centrale. Ce n'est pas juste pour emmerder les libéraux que tous les pays développés en ont une : c'est parce que c'est simplement une trop mauvaise idée de s'en passer.
Indépendamment du bien fondé de l'idée d'équilibre budgétaire pour un État (qui n'a pas beaucoup de sens à mon avis) et de la légitimité ou non de faire marcher la planche à billet pour financer ce déficit (100% légitime de mon point de vue), il est important de ne pas raconter n'importe quoi : la loi de 1973 n'est en rien responsable de la situation actuelle : l'obstination à vouloir une «monnaie forte», conduisant à s'endetter sur les marchés, est le vrai responsable du problème.
Et cette idée de monnaie forte est en partie importée d'Allemagne, dans le cadre de la convergence des politiques monétaires nécessaire à la création de l'Union Européenne telle que nous la connaissons.
Si le problème venait d'une simple loi, la solution serait assez simple : abroger la loi. Là c'est plus compliqué, puisque c'est toute l'idéologie économique sous-jacente à la construction Européenne qui nous a mis dans la situation dans laquelle on est actuellement. Or mettre fin à l'influence d'une idéologie, c'est vachement plus compliqué que d'abroger une loi …
L'histoire d'un Juif allemand immigré aux États-Unis, engagé au sein du renseignement US qui a obtenu la reddition de l'armée allemande à Innsbruck.
via : https://twitter.com/ordrespontane/status/970231591044861952
voir aussi : https://hooktube.com/watch?v=GMWbV5mFKN0