Pour bâtir le village olympique ou reconstruire Notre-Dame de Paris après l’incendie, Emmanuel Macron s’est appuyé sur des lois d’exception. Un mécanisme décliné depuis sa réélection en 2022 pour tenter d’accélérer le développement des énergies renouvelables, la construction de réacteurs nucléaires ou contenir la crise du logement.
LE CHEF DE L’ETAT se passerait bien de l’Etat. Chef tout court. Débarrassé de cette puissante administration où s’engluent toutes ses décisions. D’ailleurs, chaque fois qu’il a essayé, ça lui a plutôt réussi. Emmanuel Macron s’en félicitait encore jeudi matin en inaugurant le village olympique. Un chantier livré « dans les temps » et « dans le budget », observait le président de la République. Dans le bâtiment, ça n’est pas si courant. Pour des Jeux olympiques, ça l’est encore moins. Pourtant, Emmanuel Macron l’a souligné, « les engagements qu’on a pris en 2017, on les a tenus ». Grâce à un outil fort prisé du Président : une loi d’exception pour contourner les pesanteurs administratives de l’Etat.
Adopté le 26 mars 2018, le texte visait à accélérer la construction des infrastructures promises au CIO pour obtenir l’organisation des JO. Et à s’affranchir des procédures habituelles qui, si elles avaient été suivies, n’auraient jamais permis d’achever les travaux dans les temps impartis. C’est ainsi, par exemple, que l’enquête d’utilité publique, obligatoire avant toute opération visant à modifier l’urbanisme ou l’environnement, a été remplacée par une simple consultation électronique. C’est ainsi aussi que l’interdiction d’affichage publicitaire sur les immeubles classés ou les bâtiments historiques a été suspendue pour s’aligner sur les exigences du CIO. Au bout du compte, le texte de loi JO empile les dérogations au droit français et les allègements de procédures. Comme pour Notre-Dame de Paris, elle aussi bénéficiaire d’une loi d’exception après son incendie pour accélérer sa reconstruction.
Procédures pointilleuses.
Emmanuel Macron en a fait un outil presque ordinaire de sa politique. Dès qu’il s’agit d’aller vite, le président de la République s’affranchit par la loi de ces normes qui ralentissent son action. Pour Notre-Dame, il s’agissait de contourner les procédures pointilleuses de la direction des monuments historiques du ministère de la Culture. « Sinon on en prenait pour vingt ans », résume-t-on dans l’entourage du Président. La cathédrale sera finalement reconstruite en cinq ans, comme promis par le chef de l’Etat après l’incendie, et malgré le scepticisme général
qu’avait provoqué son annonce à l’époque.
De quoi nourrir la tentation de recourir plus souvent à l’outil. Au regard des différentes « urgences » et autres « priorités » décrétées par Emmanuel Macron, les chantiers ne manquent pas. « Attention, prévient-on toutefois dans son entourage. Si l’exception est généralisée, elle devient la règle et ce n’est pas possible. Une loi d’exception ne peut porter que sur un sujet précis pour lequel il faut aller vite ».
Ces lois d’exception, le chef de l’Etat les réserve à des situations bien particulières : lorsqu’il s’agit de bâtir en situation d’urgence. Comme pour les Jeux Olympiques et Notre-Dame donc. Mais aussi pour les énergies renouvelables et le nucléaire, et bientôt pour le logement. C’était d’ailleurs l’une de ses promesses de campagne de 2022. Lors de la présentation de son programme en mars 2022, Emmanuel Macron avait proposé de recourir « pour tous les dossiers prioritaires à une loi d’exception afin de réduire les délais et de simplifier drastiquement les procédures ». Il en a donc identifié trois.
Parking. Avec les énergies renouvelables, il s’agit d’affronter le réchauffement climatique. Et de se doter des moyens de réduire deux fois plus vite les émissions de gaz à effet de serre en favorisant le développement des énergies renouvelables. En évitant aussi que les recours interrompent ou gèlent les projets comme les parcs éoliens. Autre urgence avec le nucléaire, reprendre le contrôle de la production énergétique du pays alors que l’Europe s’est coupée du gaz russe sur fond de guerre en
Ukraine. La loi d’exception vise à concrétiser la promesse d’Emmanuel Macron de construire six nouveaux réacteurs EPR à l’horizon 2035 et lancer des études pour huit autres.
Pour aller vite, le texte allège les démarches nécessaires pour construire de nouvelles centrales à proximité des installations existantes. Des dispenses de permis de construire sont accordées. Les délais d’instruction pour la construction de parking ou de clôtures sont réduits. Certaines normes de la loi Littoral sont suspendues, comme d’autres sur la politique de zéro artificialisation nette.
Dernière urgence enfin avec la crise du logement que traverse le pays. Là encore, il s’agit de supprimer des procédures et de s’affranchir de certaines normes pour aller vite. Porté par la secrétaire d’Etat à la ville Sabrina AgrestiRoubache, le plan comporte vingt « opérations d’intérêt national » pour réhabiliter des quartiers, des logements ou des zones industrielles.
A chaque fois, la même logique prévaut. « Ce qui prend du temps, ce sont les délais de recours, les règlementations contraignantes ou la lourdeur des procédures, explique-t-on dans l’entourage du chef de l’Etat. Il s’agit de s’en affranchir ponctuellement, mais pas de les supprimer. Ces normes sont aussi utiles pour nous aider à respecter nos engagements environnementaux par exemple ».
Si ces lois d’exception s’avèrent efficaces, difficile toutefois d’en généraliser le principe. Concentrées sur un lieu, un objectif précis et ponctuel dans le temps, elles permettent à Emmanuel Macron de concentrer les moyens de l’Etat et de contrôler son action. Mais il ne s’agit pas d’une politique publique à déployer sur l’ensemble du pays. Dans l’entourage du Président, on le reconnaît presque à regret : « A l’échelle de la France, c’est beaucoup plus compliqué ».
Si cet outil législatif s’avère efficace, difficile toutefois d’en généraliser le principe
Tu as des règles, qui s'appliquent à tous et qui montrent leurs limites, et paf quand c'est l'État qui veut faire quelque chose tu t'accorde une dérogation pour éviter la contrainte que tu imposes par ailleurs à tout le monde … Et c'est comme ça que je me retrouve à ne pas avoir le droit de poser une fenêtre en PVC dans ma maison «parce que aux alentours d'un monument historique» alors que l'école primaire en face de chez moi est entièrement avec des fenêtres PVC …
Mais attention, hors de question de supprimer toutes les normes comme le réclament les libéraux, la plupart d'entre elles sont là pour de bonnes raison et les décénnies précédentes nous ont montré ce que la «dérégulation» pouvait faire comme dégats. Non, les raisons d'être des normes importantes, il faut simplement faire en sorte que les procédures soient simples et que l'administration apporte son appuis pour aider les porteurs de projets à respecter les normes, plutôt que de se contenter de faire la police. (Et oui, ça implique une administration dotée de d'avantage de moyens et de compétence, à l'inverse du fanstasme d'État minimal des libréraux)