C'est de toute beauté, la droite qui se plaint que la liberté est bafouée par un État léviathan et que l'empilement bureaucratique étouffe la France, avec force de références libérale de droite Hayek («La route de la servitude», Tocqueville, Bastiat, Aron.
Ça serait presque convainquant, si ce n'était pas des camarades de parti de ce monsieur qui étaient au pouvoir en France. Rappelons, qu'Édouard Philippe puis Jean Castex, les deux premiers ministres successifs sont d'anciens membres influents de LR, tout comme le ministre de l'économie Bruno le Maire.
Et on ne peut pas vraiment dire qu'ils soient d'un courant de penser radicalement différent, Édouard Philippe citant volontiers lui-même Hayek.
Dans le même registre de le folie politico-administrative constatée ces dernières semaines, nous attendons avec dépit les «sous-préfets à la relance», fraichement sortis des écoles de la fonction publique d’État, que le Premier ministre a décidé de déployer […] Le millefeuille continue de s’alourdir de façon indigeste, hélas avec nos impôts.
On rappellera au passage, que les trois gouvernements avec le plus de conseillers ministériels étaient ceux de Fillon, Rafarin, et Villepin tous plus de 600. LR est très très mal placé pour faire des remarques appelant à sobriété concernant les bureaucrates de ministères …
Autre grosse blague:
l’État obèse perd l’autorité régalienne pour laquelle il a été inventé, et qui nous fait tant défaut aujourd’hui
Pour rappel: régalien, ça veut dire police + justice + l'armée, c'est l'idée que les libéraux traditionnels se font de l'État, tout le reste n'y ayant pas sa place. Quand on voit que la seule action concrète mise en place contre la pandémie c'est un confinement avec des attestations et des amendes, quand on voit qu'au moment des annonces du premier ministre sur le deuxième confinement, le ministre de l'Intérieur est le premier à prendre la parole à la suite du premier ministre, on se rend bien compte qu'on est justement dans un gouvernement qui ne sait raisonner que par le régalien et qui est incapable de mettre l'État en mouvement dans une autre direction que «plus de police, plus de contrôle».
Comme c'est ironique de voir David Lisnard reprocher à l'État trop de «plannisme» (expression encore une fois empruntée à Hayek), alors que le gouvernement est coupable d'une absence chronique de planification depuis le début de l'épidémie, prenant des décisions à la dernière minute, sans stratégie, sans plan global pour gérer la situation.
Où sont les réquisitions industrielles pour faire produire hier des masques et demain des congélateurs adaptés au vaccin, où est la mobilisation massive pour mettre en œuvre une campagne de dépistage à grande échelle (on rappellera qu'en Chine, une ville de 9 millions d'habitant a été confinée et tous les habitants testés après que 6 cas positifs y ait été recensés).
La vérité que monsieur Lisnard refuse de regarder en face, c'est que c'est justement sa doctrine libérale qui est à l'œuvre sans discontinuité en France depuis 20 ans, porté entre autres par son parti, et porté aujourd'hui par ses anciens camarades, qui nous ont conduit où on est, avec un État impuissant parce que convaincu qu'il ne peut pas, ou ne doit pas intervenir. Les pays d'Asie, qu'ils soient communistes (Chine, Corée du Nord, Vietnam) ou non (Singapour, Taïwan, Corée du Sud) ont tous la particularité d'avoir un État très fort, qui intervient massivement dans la vie de la cité. Et tous ces pays ont éradiqué l'épidémie avant même qu'elle n'éclate réellement sur leur sol.