De la même manière qu'à l'issue du premier tour de l'élection présidentielle, il serait tentant d'affirmer que la France serait désormais profondément divisée, et scindée en 3 blocs de taille comparable (la gauche, le centre libéral et l'extrême droite). Mais cette vision masque en fait la dynamique dominante de la vie politique française depuis 25 ans: l'abstention, qui est désormais majoritaire même lors de scrutins nationaux (54% aujourd'hui).
Or c'est à l'aune de cette donnée qu'on mesure le demi échec de la stratégie de Jean-Luc Mélenchon qui, s'il a réussi son pari d'obtenir un acte de décès formel de la «gauche de droite», libérale, bourgeoise et pro-Union Européenne (qui était techniquement morte dès l'issue du quinquennat de François Hollande), a échoué à mobiliser largement les électeurs. Même sa tactique ambitieuse, de parler troisième tour, et d'appeler à l'élire premier ministre, n'a pas même pas permis de faire voter l'ensemble de ses électeurs de la présidentielle. Dans un pays pourtant largement acquis aux idées de service publics et de redistribution des richesses, la gauche incarnée par la France Insoumise n'est pas parvenu à susciter de un élan populaire susceptible de la mener à nouveau au pouvoir.
J'y vois avant tout la marque de la communication belliqueuse de Jean-Luc Mélenchon et des insoumis, qui essaient de mobiliser les gens en s'appuyant sur leur colère. Mais «si la colère entraine les révoltes, seul l'espoir entraine les révolutions» (citation que je pique à François Ruffin), et la France insoumise, en dépit d'un programme étoffé visant justement à susciter l'espoir, n'a jamais vraiment réussi à imposer celui-ci dans le débat public.
Il faut dire que c'est difficile dans un contexte médiatique extrêmement défavorable, mais c'est impératif et il ne faudra jamais compter sur les médias pour y parvenir: c'est aux partis de gauche de s'organiser sur le terrain et dans les espaces médiatiques qui leur sont donnés, avec tous leurs biais, pour faire en sorte d'imposer un récit alternatif pour un futur enviable, qui seul permettra d'arriver au pouvoir pour enfin changer les choses.
p.s. mais y'a du boulot: si même Ruffin n'arrive pas à mobiliser plus de 45% de l'électorat pour aller voter, c'est vraiment pas gagné.