Encore une vidéo libérale (faite par L'école de la Liberté, vous voyez je vous l'avait dit), l'argument évoqué ici est le suivant :
Dans une économie de marché, le prix des matières première ne peut que diminuer à long terme puisque le progrès technique rend leur extraction moins coûteuse. Du reste, toujours à long terme, il ne peut jamais y avoir de pénurie d'une matière première puisque le progrès technique rend accessible de nouvelles ressources.
Ce point de vue est soutenu par l'économiste Julian Simon, en opposition frontale avec les craintes des écologistes. Pour l’anecdote historique, en 1980 Simon a parié avec l'écologiste Paul Ehrlich, que le prix des matières première baisserait d'ici 1990, en accord avec ses théories. Entre 1980 et 1990, le prix des matières premières avait effectivement baissé et Simon remporta donc son pari, ce qui fait dire à l'auteur de la vidéo que Simon avait raison.
C'est une histoire marrante, mais pas vraiment intéressante en réalité, car le pari de Simon était complètement baisé: en 1980, on est juste après le deuxième choc pétrolier: le cours du pétrole atteint des sommets, entraînant avec lui le prix de toutes les matières premières à la hausse (l'extraction étant très coûteuse en énergie). Deuxièmement, 1980 c'est aussi la dernière année d'inflation forte aux États-Unis, la Fed (la banque centrale américaine) vient à peine de commencer à contrôler l'évolution de la masse monétaire et on a encore des dollars en abondance, ce qui tire aussi les prix des matières premières vers le haut. Avec la nouvelle politique monétaire de la Fed et le contre-choc pétrolier au début des années 80, le pari était une victoire facile pour Simon, indépendamment de la validité ou non de ses théories.
Revenons à la théorie en elle-même: elle repose sur l'idée que le progrès technique rend l'extraction de ressource de moins en moins difficile, et donc de moins en moins coûteuse. C'est vrai lorsque l'on reste sur un gisement donné : tant que l'on cherche à extraire une ressource au même endroit, le coût d'extraction va baisser au fil du temps parce quel les moyens techniques s'améliorent. C'est notamment vrai lorsqu'on parle de production agricole dans un champ : là où il fallait 100 personnes pour entretenir une certaine surface agricole au début du XXème siècle, un seul agriculteur avec des machines agricoles moderne y parvient sans difficulté : le coût en travail d'une même production de blé a donc été réduite grâce au progrès technique.
Le problème avec les matières premières non-agricoles, c'est qu'elles ne sont pas renouvelables : une fois extraite, elle n'est plus disponible et il faut aller en chercher ailleurs. Et le problème, c'est que cet ailleurs n'est pas forcément aussi facile à extraire que le premier endroit : une fois que les gisements facilement exploitables sont épuisés, il faut alors se rabattre vers des gisements de plus en plus difficiles à exploiter : c'est notamment le cas du pétrole, où on exploite des gisements de plus en plus profonds, dans des conditions de plus en plus difficiles (haute-mer, montagne) ou pour récupérer du pétrole de moins en moins bonne qualité (schistes bitumineux du Canada). La difficulté d'extraction est sans commune mesure avec celle des champs pétroliers d'Arabie Saoudite exploitées depuis des décennies.
On a donc deux effets antagonistes : d'un côté le progrès technique qui rend moins coûteuse l'exploitation des gisements existant, de l'autre la difficulté toujours croissante d'accéder à la ressource. Lequel de ces deux effets est prépondérant ? Ça dépend du type de ressource et de la manière dont ses gisements sont répartis, de la vitesse d'amélioration de la technique et aussi de la croissance de la demande, il est donc impossible de conclure qu'un des effets l'emporte toujours sur l'autre comme le fait Simon. Ces 20 dernières années par exemple, l’essor économique des pays en développement a fortement tiré la demande à la hausse, et les prix des matières premières ont fortement augmenté.
De toute manière, le prix de marché ne dépend pas seulement de la capacité à produire des matières premières, mais aussi beaucoup au fonctionnement interne du marché (spéculation , recherche de placement alternatifs, etc.). En 2011 par exemple, alors que la demande mondiale n'était pas spécialement haute, les matières premières ont connu un sommet historique avant de retomber progressivement.
Quant à la question de la pénurie de matière première, on ne peut pas affirmer qu'elle est inévitable (après tout, l'homme pourrait bien partir coloniser l'espace pour récupérer des matières premières) mais si la consommation de ressources continue d'augmenter à son rythme actuel, on a quand même de bonne chance d'avoir des soucis à moyen-terme.