C'est marrant, parce que ça montre que l'économie orthodoxe est en quelque sorte au milieu entre ceux que j'appellerais les «cultistes de l'innovation» (dont Aghion) et les partisans d'une approche plus réaliste de la statistiques économique, qui se contente de mesurer l'inflation telle qu'elle est en ne s'appuyant que sur les variations de prix, sans chercher à inclure le «progrès technique» dans la mesure de l'inflation.
Aujourd'hui l'inflation prend en compte l'«amélioration» des produits pour pondérer leurs variations de prix, sous la forme de «l'effet qualité» (“hedonic adjustment” en anglais), et c'est quelque chose qui est disputé (personnellement, je trouve que ça n'a aucun sens de considérer qu'un ordinateur contemporain est 100 fois mieux qu'un PC d'il y a 20 ans sous prétexte que les composants se sont améliorés : l'amélioration subjective pour l'utilisateur est très variable selon les cas d'utilisation, et la plupart du temps elle est très faible).
Et c'est marrant de voir qu'il existe des économistes qui pensent que la statistique économique devrait encore s'éloigner d'avantage de la mesure réelle et introduire encore plus de « biais d'innovation » dans la mesure. Pas étonnant qu'on ait ensuite un clivage de plus en plus grand entre les chiffres de la croissance économique et le ressenti des citoyens après ça …
Mon point de vue sur la question c'est que la statistique économique ne devrait pas du tout chercher à prendre en compte le progrès technique, et mesurer une croissance et une inflation correspondant à la réalité de l'activité économique, quitte à offrir une mesure à côté de l'impact subjectif du progrès technique («oui les prix ont doublés mais vous avez des smartphones au lieu d'avoir des 3310» mènerait à un débat de société vachement plus intéressant que «mais non regardez les chiffres les prix n'ont augmentés que de 10% en 20 ans » parce que le facteur de correction est mis sous le tapis). Et si le progrès technique a de la valeur économique, alors il apparaîtra de toute façon par ailleurs sous forme de gains de productivité (ce que fait justement très peu l'informatique contre toute attente pour les économistes).